1995. Kristof Guez entame sa carrière d’artiste en tentant de révéler l'extraordinaire de l’ordinaire. Il photographie alors les paysages en changement, les chantiers en cours, les friches en construction, les constructions en friches. Il met en lumière les hommes et les femmes qui occupent ou ont occupé ces lieux habités ou désertés.
2008. Les souvenirs d’enfance sont souvent marquants. Mais quid du réel et de la reconstruction postérieure ? Partant des pans de sa mémoire, Kristof Guez retourne à Antikyra, village du golfe de Corinthe, et prend des clichés des lieux pour ancrer l'évanescence du souvenir dans la réalité physique. Avec Mythes, il poursuit ce projet personnel en systématisant le questionnement entre mémoire et réalité. Il s’est ainsi “progressivement intéressé à un espace géographique plus large, formant des allers-retours entre le passé et le présent, entre la fiction et le réel, la mythologie grecque et [ses] propres mythes. Conscient de la grande subjectivité du regard, [il a] voulu le décentrer pour tenter de voir ces lieux “tels qu’ils sont”1.
S’il se confronte directement au terrain, il alimente également ses réflexions par les écrits de Pierre Bergounioux, Friedrich Nietzsche, ou encore Césare Pavèse.
Depuis presque deux ans, Kristof Guez combine ses deux passions, l’apnée et la photographie, et s’immerge sous la surface du monde. Plongeur des profondeurs, constatant qu’il y a très peu de représentations subaquatiques des rivières et des étangs, il décide de changer de souffle pour des eaux moins abyssales.
Été 2025. Il est accueilli en résidence par l’association Le Belvédère. Sa mission ? Photographier les dessous du Lot.
Novembre 2025. Il dévoile son travail et projette les images de ce qui se cache sous l’eau sur les obscures parois d’une grotte, tirant le fil de sa précédente installation en camera obscura dans lesquelles le public pouvait entrer et voir le paysage “retourné” sur un mur. Cette fois, poissons, bryozoaires et autres organismes sont capturés par son objectif :



Le ciel s’admire à travers l’horizon transparent de la surface de l’eau :

Hors du monde et du temps, en plus de nous donner à voir ce qu’on oublie de regarder, Kristof Guez nous a donné à regarder ce qu’on ne peut pas voir. Une expérience suspendue dans un instant d’éternité, l’instant de la prise de vue, l’éternité de l’image qui reste.
Pour ceux qui sont passés à côté de ce moment ténu et précieux, la projection éphémère dans un lieu antédiluvien sera proposée à nouveau par Le Belvédère (nous communiquerons les dates). En attendant, ses photos flottent dans la cage d’escalier de la médiathèque de Monflanquin et au point lecture de Gavaudun jusqu’au vendredi 9 janvier.
Avant de regagner ses pénates, l’artiste nous a recommandé des films axés sur la photographie :
Walk the walk de Robert Kramer
Jour après jour de Jean-Daniel Pollet
La Famille Asada de Ryôta Nakano
Et il a sélectionné ce qu’il écoute lorsqu’il sort du silence des profondeurs
Les vestiges du chaos de Christophe
Endless summer de Christian Fennesz
Les secrets de la mer rouge de François de Roubaix
The western Lands de Gravenhurst
Il a également offert à la Réseauthèque son ouvrage Penser aquatique que tous les usagers peuvent consulter et/ou emprunter.
